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Le plus bel âge

Vingt-quatre degrĂ©s, pieds nus dans mes toiles blanche, une goutte dĂ©vale du ciel. Puis une autre, qui la suit, et une autre encore. Le dĂ©luge tombe Ă  point nommĂ©, Ă  poings serrĂ©s. La pluie vient, qui purifie et me soustrait un temps Ă  mes ennuis. On ne se cache pas des torrents d’étĂ© sous une ombrelle, non, on les mange la bouche ouverte, on les accueille comme des Saluts. Pourtant, on aime haĂŻr la pluie au moins autant qu’elle nous manque. On dit « je manque d’air » et on ne voit pas tout l’air glissĂ© entre et en dedans des larmes de ce gĂ©ant cĂ©leste. Le ciel. On sait rarement ce qui se cache derrière les voiles, mais on peut le chercher, le toucher dans un rĂŞve salĂ© comme la mer. C’est un devoir – humain – que celui de scruter au-delĂ  des apparences, d’aller fouiller toujours un peu plus loin.

La pluie nourrit la flore et l’animal, elle est faiseuse de vie. Alors aujourd’hui j’ai laissé dans ma poche mon petit parapluie.

(Ou peut-ĂŞtre qu’en vĂ©ritĂ© je l’avais oubliĂ©, vous savez, mais j’ai voulu me faire croire que c’Ă©tait une bonne idĂ©e.)

C’est un matin d’été, les corps moites s’étirent dans le coton. J’ai comme des poussières de sommeil accroché au bout des cils, il m’étreint et c’est comme un souffle sur les akènes des dents-de-lion. La rue sent le café au lait et le savon, les chemises amidonnées brillent dans le soleil déjà haut. Le solstice rend les jours interminables et les gens beaux. Parce qu’ils sont légers, ceux qui ont l’intuition que tout recommence quand s’amorce la descente lente jusqu’à l’azimut de Décembre. Juin nous enjoint à vivre un peu plus libres, ça nous titille, on ne sait pas, on se laisse faire, c’est comme ça.

Je crois aux dĂ©parts, aux renouveaux, aux autres chances. Il y a les bonnes intentions, les voeux profonds et l’ancrage tout au fond. Et il y a, faisant face, la grande tornade du quotidien, successions de routines bien huilĂ©es, dĂ©sordonnĂ©es – rien n’empĂŞche -, grand bazar chronophage oĂą l’important parfois m’échappe. A me retrouver lĂ , un soir, je ne sais plus, comment dormir, comment on (s’) inspire, comment ralentir la cavale et les battements de coeur, comment changer mon bâteau-pirate en une fière caravelle, forte et voiles-au-vent, droit devant. Dites-moi, comment ?

C’est toujours la mĂŞme ritournelle, c’est un peu de magie qui me cueille, Ă©tourdie, dans la nuit qui commence. Ouvrir les fenĂŞtres sur les bĂŞtes noires, ouvrir les armoires, les portes, les draps, les tracas, les tiroirs. Et chemin faisant c’est le vide, alors, qui se glisse Ă  la place de ce qui ne compte pas, c’est le rien qui triomphe sur les terres oĂą l’inutile rend les armes. Les heures passent, denses. Il est 3h – tĂ´t ou tard – quand je lève les yeux sur le champ de bataille. Les murs et les plans sont aussi dĂ©pouillĂ©s que ma tĂŞte y voit un peu plus clair. Et puisque l’entropie toujours nous rattrappe, avant que la grande vague ne balaie ma vaste plage Ă  marrĂ©e basse, j’y grave Ă  la hâte mais en gros caractères ce qui me mue, ce qui m’émeut, ce qui m’enivre. (Bonsoir MorphĂ©e, je vais dormir.)

Qu’est-ce qui importe, au juste, que reste-t-il agrippĂ© Ă  nos peaux jusqu’au creux de nos nuits. La brise sur ton visage, le vent dans les rideaux gris et la lumière qui se faufile Ă  travers cette danse de coton, qui colorie tes traits Ă  l’aquarelle. Changeants. Elle danse, la flamme du grand soir ou du petit jour, elle valse sur tes paupières et dĂ©gringole le long de tes joues pleines. Tes grands yeux bleus se plissent, ton rire m’inonde, pur et vibrant – entier, mais comment pourrait-il en ĂŞtre autrement. Scène triviale, tableau commun, Ă©pisode du quotidien. AllongĂ©e sur le parquet, je respire ta peau que je connais par coeur et, tout me semble tellement merveilleux soudain, quand s’arrĂŞte la cacophonie dans ma tĂŞte et que seuls restent en dedans le silence et la conscience. De notre richesse Ă  tous les trois. De ce qui compte pour moi. De la fugacitĂ© de cette vie-lĂ . Il se pourrait, tu sais, que j’aie ce soir encore un peu de sel au bord des yeux.

Nuit de juin, la vie derrière, la vie devant. Donne-moi ta main, rends-moi plus sage, donne-moi le temps.

Bon sang, qu’est-ce que je cherche obstinĂ©ment depuis tout ce temps au travers de cette quĂŞte de l’esthĂ©tique, de la construction du Beau. – Subjectif, le Beau, relatif. – Pourquoi montrer au lieu de dire, pourquoi j’Ă©cris alors que je pourrais parler. L’Ă©crit et la crĂ©ation – au sens Ă©lĂ©mentaire, s’entend - ont Ă©tĂ© pour moi une porte ouverte qui m’a longtemps sauvĂ©e de la douloureuse oralitĂ©. Si je prĂ©fère les dĂ©tours et les dits-Ă -peu-près, c’est que je reviens d’une terre lointaine. Je me recharge dans le silence, je me nourris d’air et de vide. la vĂ©ritĂ© c’est que je viens d’un monde blanc, oĂą l’air est grand et le ciel immense. J’ai longtemps cherchĂ© le fil rouge de cette course en solitaire. J’y ai vu de la lumière, de l’espace, des couleurs particulières, un peu de douceur – c’est vous qui le dites – et de la poĂ©sie peut-ĂŞtre. A bien y regarder, je crois qu’en photographiant, qu’en Ă©crivant, je cherche partout le(s) silence(s). « Est-ce que ça fait sens, tu penses. »

Puis elle m’a dit. sĂ©rĂ©nitĂ©. J’ai rĂ©flĂ©chi et lui ai dit « peut-ĂŞtre, oui ».